Le tribunal de Paris a dû ouvrir la salle Victor-Hugo, pour faire face à l’afflux de dossiers. Celle où comparaissait il y a deux mois à peine l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy dans l’affaire des soupçons de financement libyen. Ce mardi, après les exactions commises ce week-end sur les Champs-Élysées, en marge de la victoire du PSG en finale de la Ligue des champions de football, le temps était désormais à la justice.
Au total, une soixantaine de personnes ont été déférées devant le tribunal de la capitale, dont une vingtaine en comparution immédiate. La veille, cinq hommes avaient été condamnés à de la prison avec sursis.
Plus d’une dizaine de prévenus, tous de jeunes hommes, ont défilé devant la 23e chambre du tribunal judiciaire de Paris ce mardi. Les dossiers ont trait à des violences commises sur les forces de l’ordre et à des pillages de commerce. Parmi les prévenus, les profils sont variés : des étudiants, des pères de famille ou encore des travailleurs sans-papiers sous OQTF.
Venu de l’Ain, il frappe un policier
Venu de l’Ain pour fêter la victoire du PSG ce week-end, Diego, tout juste majeur, est accusé d’avoir porté un coup au visage d’un policier de la BRI - lui occasionnant sept jours d’ITT -, le 1er juin à 4 h 50 du matin, dans le 16e arrondissement de Paris. Au cours de l’interpellation, Diego sera violemment frappé par le fonctionnaire de police, et se verra, lui, prescrire trois jours d’ITT.
Silhouette fluette, cheveux blonds méchés, le jeune homme, au visage enfantin parsemé d’une fine barbichette, arbore un œil au beurre noir injecté de sang. Diego dit avoir porté le coup au visage du policier involontairement, en tentant de se défendre. « Je ne pensais pas qu’aller voir un match irait jusque-là. Je regrette », assure le jeune homme.
Sans travail, Diego a arrêté l’école en classe de seconde il y a deux ans. Il est aujourd’hui hébergé chez sa mère à Bellegarde. Pas de mention au casier, mais en 2024, il a écopé d’une mesure éducative pour avoir déclenché une fausse alerte attentat dans un établissement scolaire. « Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la gravité de votre acte. Vous encourrez cinq ans de prison », lui lance le procureur de la République. « L’arrestation a été musclée car vous n’avez pas voulu céder », balaie le représentant du ministère public à propos des violences subies par Diego. Ce dernier part en prison immédiatement. Il est condamné à 12 mois de prison, dont huit avec sursis, à 105 heures de travaux d'intérêt général, une interdiction de se rendre à Paris pendant deux ans et 200 euros de dommages et intérêts.
Un étudiant avec des projets d’avenir
Puis vient le tour de Steeve. Lui aussi est jeune (19 ans) et lui aussi est accusé d’avoir frappé un policier. Le jeune homme, parfaitement inséré, a été interpellé le 1er juin, vers 1 h 30, place Victor-Hugo, dans le 16e arrondissement de la capitale, en possession de mortiers. Le jeune homme dit avoir trouvé le sac par terre et qu’il entendait s’en débarrasser. Concernant le coup porté au nez du policier, l’étudiant en finances endosse la même défense que Diego : le coup serait parti en tentant de se débattre. Le jeune homme, qui vit chez sa mère, est titulaire d’un bac STMG. Aujourd’hui, il est en BUT en alternance et souhaite devenir directeur financier. Pas le genre de profil que l’on retrouve généralement en comparution immédiate.
« Vous n’avez rien à faire ici ! », le sermonne avec fermeté le procureur. Le magistrat veut marquer le coup et faire comprendre à Steeve la gravité de son geste, lui rappelant qu’il encourt jusqu’à sept ans de prison. Avant de requérir 18 mois de prison, dont 12 mois avec sursis, sous bracelet électronique. La présidente insiste : « Vous pouvez tout perdre si vous allez en prison ce soir. » « Je regrette, je suis à l’école, en alternance, je ne veux pas gâcher mon avenir pour ça. J’ai mal au cœur d’être ici, pour ma mère. » Le jeune homme a écopé de 10 mois de prison, dont cinq avec sursis à effectuer sous bracelet électronique.
Vêtu d’un maillot du PSG, Hugo, 24 ans, de Sartrouville (Yvelines), est lui poursuivi pour avoir lancé une table en direction des policiers sur les Champs-Élysées. Ce pratiquant de MMA, le visage dissimulé par un foulard, aurait aussi essayé de prendre la crosse d’un policier et aurait lancé aux forces de l’ordre : « Vous allez tous crever ! » Le jeune homme, condamné par le passé à une amende pour conduite sous stupéfiant, vient de commencer une formation de commercial dans les énergies renouvelables. Il écope de 10 mois de prison dont cinq avec sursis.
Un lycéen mâconnais condamné en mai dernier
Étudiant en terminale STMG, Iravan est accusé d’avoir lancé des bouteilles en verre en direction des forces de l’ordre en début de soirée. Ce jeune Mâconnais de 18 ans, qui réside chez sa mère dans l'Ain à Saint-Laurent-sur-Saône, est venu à Paris pour assister à la finale du PSG. Ce n’est pas la première fois que le lycéen a affaire à la justice. Le 23 mai dernier, il a été condamné par le tribunal de Mâcon, en première instance, à 18 mois de prison, dont 12 avec sursis, sous bracelet électronique, pour vol aggravé, violences en réunion, port d’arme et conduite sans permis. Dans ce dossier, il a fait appel. Concernant les faits de ce week-end, il est relaxé.
Hassan, 29 ans, travailleur sous OQTF
Autre type de profil : Hassan, 29 ans, accusé d’avoir mis un coup de pied à la jambe d’un policier, lors de l’évacuation de la place de la République. Le jeune homme, de nationalité algérienne sous le coup d’une OQTF depuis 2023, nie les faits. Hassan vit avec sa femme, également en situation irrégulière, et son petit garçon de neuf mois, dans le 18e arrondissement de Paris. Le travailleur sans-papiers est commis de cuisine dans une brasserie située en région parisienne. Il est condamné à sept mois de prison avec sursis et 300 euros de dommages et intérêts.
Ahmed, pizzaïolo sans papiers
Ahmed est également en situation irrégulière sur le territoire français. Le 1er juin, à 1 h 40 du matin, le jeune homme a été interpellé dans le 8e arrondissement de la capitale dans une boutique de téléphonie. Pendant que des pilleurs saccageaient le magasin, lui a tenté de voler une enceinte connectée. Célibataire et sans enfants, Ahmed dit avoir quitté l’Algérie il y a deux ans pour aider ses parents malades. Aujourd’hui, ce travailleur sans-papiers travaille et gagne 1 400 euros en tant que pizzaïolo. Il dit avoir entamé des démarches pour obtenir un titre de séjour en Espagne, mais vouloir s’installer en France. « Pourquoi avez-vous pillé un magasin si vous voulez vivre en France ? », l’interroge le procureur de la République, qui a requis huit mois de prison envers ce jeune Algérien au casier judiciaire vierge. « J’ai été entraîné par la foule », rétorque l’intéressé, qui écopera de six mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.